Il y a quelques semaines…
« Le ciel commençait à s'obscurcir...
La journée était enfin finie et la lune blanche apparaissait derrière les arbres, saluant le soleil une dernière fois par ses rayons étincelants.
Je m’assis sur le bord de la falaise, le visage encore maculé de sang et de boue au travers desquels les larmes de mes yeux se frayaient un chemin en creusant des sillons dans toute cette saleté.
« Plus qu'un dernier regard sur ce monde et je te rejoindrai... », Telles étaient les pensées qui sans cesse se répétaient en moi.
Et alors que mon corps se sentait inexorablement attiré par le vide qui s'offrait à moi, je ne pus m'empêcher de repenser une ultime fois à tout ce qui m'avait mené là……… Au bord de la falaise des héros maudits...
Aérine....
Mais revenons plusieurs années auparavant
Depuis le temps que j’en rêvais, mon souhait allé être exaucé : entrer enfin dans la confrérie des magiciens de Sindar.
Italkar, contrée paisible du royaume des Elfes du nord avait toujours été réputée pour la beauté de ses plaines verdoyantes où la nature restait d'une beauté immaculée.
Ses forets pleins de vie sentaient bon l'odeur du mucus et des fougères bercées par la rosée du matin où les animaux prospéraient en paix.
Les elfes de ces lieux vivaient dans la bonté et l'harmonie avec les régions environnantes depuis la nuit des temps et la symbiose entre les peuples rendait admiratifs tous les émissaires qui n'y avaient passé ne serait-ce qu'une journée.
Je n'en revenais pas d'avoir été choisi par la guilde alors que mon caractère baroudeur et plein de vie m’avait valu la réputation "de Thelkys le doux rêveur", réputation bien loin de convenir à une autorité aussi stricte et prestigieuse...
Mais peut être, est-ce son amour des autres et sa gentillesse qui lui avaient valu tant de reconnaissance : "d'un coeur aussi innocent ne peut venir qu'une grande magie !!!".
Je partis donc pour la confrérie mais non sans peine..."Aérine...pour Aérine" me répétais-je sans relâche sur le chemin.
Et il m’en a fallut de la volonté pour quitter ma bien-aimée pendant des mois.
Nous nous étions connus dans notre plus tendre enfance et depuis notre première rencontre, je ne fis aucun doute pour savoir qu'elle ferait mon bonheur.
Elle était d'une beauté... une beauté qui faisait pâlir la plus belle des roses, et relayait le soleil au rang de simple étoile tant sa grâce rayonnait et réchauffait le coeur... un simple regard d'elle vous faisait fondre plus vite qu'une boule de neige au milieu d'un volcan.
Et elle m'aimait, nous nous aimions... C'est pour cela qu’il me fallait partir, partir pour apprendre la magie avec laquelle j’aurais pu la rendre heureuse jusqu'à la fin des temps...
Les débuts de mon apprentissage furent des plus difficiles non seulement pour moi mais aussi pour mes maîtres tant ma bonne humeur et mes facéties étaient quotidiennes....
Mais tout le monde m'appréciait...
Les mois passaient, l'apprentissage s'approfondissait, les lettres d'amour ne cessaient d'affluer entre Aérine et moi...
Bientôt nous seront à nouveau réunis.
Mais toute médaille a son revers : la quiétude et la prospérité d’Italkar étaient des plus convoitées...
Depuis maintenant des années le roi Uldor des plaines Ardentes échafaudait un plan d'invasion des plus barbares: "nul ne devait survivre ! Servir ou mourir!!" tels étaient ses mots, sa devise.
L'heure pour la conquête était venue et les troupes d'Uldor s'étaient mises en route depuis fort longtemps... trop...
La contrée de Italkar, pacifiste, fut prise au dépourvue par l'attaque foudroyante des troupes de la mort d'Uldor : les orcs, gobelins, trolls des plaines Ardentes étaient des combattants aguerris qui ne prenaient plaisir que dans la souffrance des ennemis...
Ces créatures qui dans leur avancés arboraient fièrement leur blason sur eux tout en criant un mot à répétition qui à ce moment ne me disait rien……
-RYON, RYON, RYON…s’amusaient t-ils à se dire, j’avais cru à l’époque que ce n’était qu’un cri de guerre parmi tant d’autres mais je me suis vite aperçu plus tard que ce nom avait une grande consonance…
Et leur blason, un animal ressemblant à un Ouargue, au pied d’un trône où une sorte d’humain difforme prenait place. Je n’avais vu ce dessin qu’une fois dans un des livres de la bibliothèque de l’école……
Que put donc faire Italkar face à tant de haine...
Rien....
Italkar fut anéantie en moins de 2 jours et pillée jusque dans les sanctuaires les plus sacrés...
Le peu de survivants de ce génocide n'étaient pas à envier : ils allaient servir de divertissement au peuple des plaines Ardentes lors de joutes en arènes, les femmes deviendraient les objets sexuels des pires barbares jusqu'à leur épuisement et ce dans d'atroces rituels sexuels où les lames des agresseurs faisaient parti des ébats...
Moi et mes pairs de la guilde nous n'apprîmes que bien trop tard l'attaque sournoise commise à l'encontre des nôtres, de leurs maisons, leur patrie...
nous ne pouvions que constater les dégâts.
J’ai cherché pendant des heures parmi les gravas un indice, un survivant qui pourrait m’indiquer le devenir ma bien-aimée...
j’en suis arrivé à un tel point que j’ai souhaité même retrouver son cadavre!!
Cette pensée à priori morbide ne l'était pas tant que ça au vu de ce que réservait le peuple d'Uldor à ses vaincus.
Le malheur voulut que je ne trouve rien de tout cela……
"-Elle est en vie mon jeune disciple mais sa destinée est sur le point d'arriver à son terme... je suis désolé...".
Ces paroles dures mais d'où la tristesse transpirait, venaient de sortir de la bouche d'Arak mir, le chef de la confrérie pourvu du don de clairvoyance.
"-Jamais, jamais je n'abandonnerai Aérine dusse-je en mourir!!!" m'écriais-je, les mains tremblantes et les yeux larmoyant d'une rage connue seule par les plus grands combattants.
"-soit, si tel est ton envie nous t'accompagnerons car depuis trop longtemps nous ne sommes pas assez méfiés d'Uldor et nous récoltons maintenant le fruits de notre négligence! S’il faut passer par la guerre pour revivre en paix nous briserons notre serment de non violence!!".Jamais je n'avais entendu de telles paroles de mon maître, mais bizarrement elles me rassurèrent et me donna l'espoir de pouvoir retrouver ma belle vivante.
La confrérie se mit alors en route et ne tarda pas à arriver au royaume d'Uldor où les cris et chants de sa victoire résonnaient dans toutes les plaines Ardentes, chants repris en échos par les combattants ivres !!!
Les combats firent rage avec une rare violence. Jamais auparavant l'on vit un tel déchaînement de magie dans les régions de l’est.
Le surnombre des troupes d'Uldor était compensé par la ferveur et la puissance de la magie de Sandir, qui fondit sur ces combattants à moitié saouls et endormis.
Aux cris des victimes faites par les troupes d'Uldor à Italkar, répondaient maintenant ceux des plaines Ardentes.
La fin de l'après midi arrivait quand le combat s'acheva par la mort d'Uldor terrassé dans un combat épique qui dura des heures:
Arak mir et moi même unissant nos forces pour vaincre le tyran des plaines Ardentes qui s'écroula sous la puissance combinée de l'expérience et de la rage du désespoir amoureux...
Italkar était vengée et ses contrées allaient à nouveau pouvoir prospérer.
"-Elle est vivante Thelkys, en bas dans les geôles !!", cria Noventis un mage de ma guilde.
"-Mais peut être ne devrais tu pas....". Trop tard je me ruais déjà porté par mes dernières forces pour retrouver Aérine, ma Aérine.
Je ne pus donc apercevoir tout le chagrin de Noventis qui emplissait ses yeux quand il m’annonça la nouvelle...
Elle était là devant moi gisant à moitié sur le sol, les mains et la tête enchaînés par des liens si forts que le sang ruisselait le long des chaînes.
Je me suis précipité vers elle et l'étreint dans mes bras encore tremblant de mes combats et du bonheur de la revoir.
Nous n’avons eu le temps de s'échanger qu'un regard passionné et des caresses tendres mais ceux ci étaient d'une telle intensité que nos coeurs battaient comme jamais, lorsque la vie quitta le corps d'Aérine.
Je suis resté là, à tenir ma bien-aimée pendant des heures. Mon chagrin n'avait de limites et me tuait petit à petit. Mais le sourire qu'affichait Aérine dans mes bras en disait long quand au bonheur qu'elle put avoir de me revoir une dernière fois avant de s'en aller.
Et cela je le savais...
De retour devant la falaise…
Petit à petit mon corps se rapprochait du point non retour : ma chute de la falaise des héros maudits allait mettre fin à tous mes tourments et me libérer de la pire des douleurs, celle du coeur...
j’ai levé la tête, respirer une dernière fois l'air de sa contrée à plein poumon et je me suis penché plus en avant...
La lune blanche arrivait à son zénith, le vent se levait en bas dans les plaines donnant à celles ci les reflets d'une mer végétale en pleine tempête et je me suis senti partir....
Lorsqu'une main ferme me retint en arrière avec force...
" -C’était moins une mon petit !!!" s'écria une voix douce.
J’ai levé les yeux et rencontré ceux d'une elfe plutôt grande et svelte pour sa race qui arborait un grand sourire, comme celui d'une mère compatissante à son fils...
je suis resté sans voix...
"- Mon nom est Ezyäd Finelame, et je viens un peu tard à mon plus grand regret à votre secours..." dit elle d'une voix chaude, triste, sincère mais réconfortante.
"-J'ai entendu parler de toi et tu me vois des plus navré pour Aérine... mais écoute ce que j'ai à te dire avant d'aller plus loin...après tu feras ton choix et sache que je le respecterai car la noblesse de ton acte inspire le respect".
C'est ainsi que je l'écoutais me parler pendant des heures, au respect que nous nous inspirions mutuellement succéda la complicité...
Au petit matin elle se leva et s'éloigna lentement de moi, espérant une réaction...
et cette réaction fut celle qu'elle attendait : elle m’entendit me lever, prendre la lame magique de son ancien maître et sans un mot, les traits durcis et l'œil déterminé, la suivre...
Depuis ce jour maudit de ma rencontre avec Ezyäd, je fis le vœu de ne plus utiliser la magie sous quelque forme que ce soit, car pour moi, tous mes malheurs ne viennent que d’elle.
Pendant quelques mois, je réappris l’art du combat à l’épée.
Ezyäd m’avait appris comment tenir cette allongement de bras comme un elfe et c’en servir pour ce défendre.
Puis, plus le temps passa et plus l’envie de trouver ma vraie voie se fit plus grande…
Mais cela est une tout autre histoire.
Thelkys pose sa plume et laisse la missive à la vue des autres membres de la confrérie.
